La RHUMY - 7: Sale temps....

Entendant la pluie tomber sur les tôles de la basse cour, mon oncle s'était levé durant la nuit afin de mettre notre engin à l'abrit dans la grange. Mamy, pour occuper cette matinée pluvieuse qui s'annonçait fort longue, avait sorti d'un compartiment secret de sa travailleuse de couture: deux crayons finement taillé, un double décimêtre de bois aux graduations à demi effacées par l'usage et une gomme toute neuve !

Sur les instances du Tonton, la grand mère avait consenti à nous installer dans la grande chambre jouxtant la cuisine, qui servait également de salle à manger uniquement dans les grandes occasions ou pour le réveillon de Noel du temps de grand père. Ordre nous fut donné de faire les plans de notre carrosse ! Comme j'avais chiper une vieille revue automobile qui trainait sur le buffet, je commençais à dessiner une merveille de calandre pour notre véhicule. Inspiré par la photo d'une Rolls dernier modèle, je sortis un croquis plus ou moins gauche du radiateur de référence, pourvu même de la légendaire statuette d'argent.

L'oncle désoeuvré, depuis un moment tournait carrement en rond, arpentant la pièce de long en large comme s'il prenait les mesures d'un champ de paptates, appercevant mon dessin, il me l'arracha des mains en disant " Ho ! Comme c'est bien fait ça, j'vais tout de suite faire le tout même dans l'atelier, ça va être beau comme ça. Ch'ui content de toi. T'es le neveu du Tonton y a pas à dire...   Y pas a dire."

 

Y avait pas à dire en effet, Tonton était un vrais artiste. Tel que représenté sur mon papier, avec une légère perspective, le dessus du radiateur complet trônait cranement sur le buffet de la cuisine. Il l'avait réalisé dans une riche essence de bois exotique rouge, très rare d'après lui, la même que celle des fenêtres des HLM de la ZUP! Tout y figurait: le bouchon de remplissage, en liège, traversé d'un énorme clou provenait pour sûr d'une dame jeanne à eau de vie. Sur un petit carré de métal encore émaillé de rouge par endroit, il avait tracé en peinture jaune les deux lettres de la célèbre firme. La figurine d'argent s'était habillée d'or!... Ces grosses mains d'habitude si mal adroite, avaient reproduit, d'une baguette de laiton à souder, exactement mon trait de crayon ! 

Le repas se passa tous les yeux braqués sur le sculturale objet. Le Pierre avait bien tenté de revenir sur le sujet du guidon, mais la grand mère y mis vite fin en laissant éclater un " Tu regardes et tu te taies !" .La Mamy était fière de son fils, il y avait de quoi.

Je ne sais pourquoi en ce jour gris et pluvieux on eut grâce de la sièste. Il faisait trop sombre pour aller dans la grange, grand père ayant toujours refusé d'y installer l'électricité. Il l'expliquait à sa façon: " Si tu mets d'la lumière !  Avec ses coups d'circuit, tu fouts l'feu comme qui rigole, toniche !". C'est donc avec la lenterne à pétrole de l'écurie qu'il allait dans la grange les jours sombres ou même de nuit, son éternel mégot de tabac gris cloué au bec. De la vie de pépère, il n'y eu jamais le moindre incident.

Tonton parti chercher le Gaston pour aller au café faire un tarot, pour moi l'après midi commensait sans fin. Petit Pierre avait sorti son dessin qui représentait sa v'outure et montrait à Mamy un gigantesque carré, tappotant le papier du doigt, il dit " Y faudra un pare bise comme ça. ". " J'ai ce qui faut " s'écria la grand mère en escaladant les escaliers du grenier plus vite qu'un écureuil. Elle revint toute empaitrée d'un grand cadre qu'on met au mur.

Une fois assise, un peu essouflée, elle nous racconta la pationnante histoire de feu ce tableau.

Grand père avait un arrière arrière grand oncle qui était officier de marine sous Napoléon. Il n'eu jamais une blessure ni ne connu de combat, car c'était une sorte de bureaucrate en chef à l'arsenal du Mourillon à Toulon. Pour s'en moquer, dans la famille, on disait que c'était lui qui comptait les biscuits. Mis à la retraite encore jeune, il vint s'installer à Ornans où il fit connaissance de Gustave Courbet alors tout gamin. Celui ci, devenu un grand peintre fit un jour le portrait en pied de l'ancien marin son ami devenu l'un des principaux notables du village.

Comme elle savait bien racconter les histoires grand mère, je le voyais bien cet arrière arrière grand tonton, tout habillé de notable.

 

Pépère Louis, avait hérité de cette toile de grande valeur, qu'il avait mis au dessus du lit de la grande chambre,à la place de la croix de bois et de son éternel branche de buis. A plusieurs reprise, des gens de la ville avec la chapeau et les gants, étaient venu en voiture lui en proposer une montagne d'or. " Moi, de mon vivant, l'oncle ne quittera jamais son pays! ".

Or un soir de décembre, en rentrant du banquet de la saint Barbes chez les pompiers, grand père fit grand scandale et tapage à la maison. " Il tenait bien le coup d'habitude, mais avec l'age... C'était juste avant d'arrèter les vaches, qu'est ce que vous voulez !.. On diminue et p't'être que le Louis avec le maire de l'époque, le Jean, son meilleur copain d'la guerre, y z'avaient un peu trop taquiné la bouteille de Pontarlier. Ma foi !... Ma foi !..." Continue Mamy, continue... La pauvre était partagée entre rire et larmes. La fin de l'histoire ou la cause du malheur qui arriva, c'est que le grand père, ce soir là, ayant apprit la défaite navale de Napoléon à Trafalgar, s'en pris à l'arrière arrière grand oncle, en lui faisant porter toute la responsabilité de la tragique manoeuvre et aussi la honte sur son toit. Hors de lui, blanc comme un linge de rage, il alla dans la grande chambre où il déchira la toile avec son opinel et la mis dans le feu.

Le lendemain, avec grand mère, ils allèrent secrètement cacher aux fins fonds du grenier le cadre qui était maintenant devant nous. Jusqu'au dernier souffle de grand père, le précieux tableau était parti en restauration !



29/07/2009
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